Journée Internationale du Droit des Femmes

La Belgique est un peu à la traîne dans le domaine de l’entrepreneuriat féminin : dans notre pays, seul un entrepreneur sur trois est une femme. Même si les chiffres évoluent, les stéréotypes ont la vie dure et constituent un des principaux obstacles à l’entrepreneuriat des femmes.

Qu’est-ce qui les freine ?
Quelles sont leurs peurs ou quels obstacles rencontrent-elles ?

Nous avons demandé à Maïté Kytoko-Kytoko, Rebecca Art2Travel, Sarah Kinkajou, Nahla Enprobel et Cécile Déjà Vu, quelques-unes des entrepreneuses soutenues par Funds For Good, de partager leurs expériences, leurs avis et leur vécu.

Est-ce que être une femme a été un obstacle au niveau de ta famille pour devenir entrepreneuse ? (Culturel, crédibilité, confiance,…)

« Au niveau de ma famille non du tout, j’ai été très encouragée par ma famille dont mes parents qui sont mes premiers fans »

Maïté – Kytoko-Kytoko

« La famille peut être un obstacle car elle souhaiterai une vie calme pour toi, un salaire qui tombe tous les mois. Mais entreprendre signifie aussi moins de temps pour ta famille et même quand on est à la maison, l’esprit est toujours au travail.  Ma famille proche n’a pas été rétissante à mon envie de devenir entrepreneuse mais du côté des connaissances masculines plus éloignées on entend : c’est ce genre de femmes qui croient qu’elles ont des cou***** et qui espèrent diriger les hommes. »

Rebecca – Art2Travel

« Non, j’ai été soutenue par ma famille. Par contre, se lancer en tant qu’entrepreneuse est extrêmement chronophage et mon compagnon a donc vu son implication dans les tâches domestiques doubler (au faible mot) alors que le temps que je pouvais consacrer aux tâches domestiques a clairement été divisé par deux. Et clairement, en tant qu’homme ça a été compliqué pour lui, ce sont des tâches qui sont encore perçues comme peu valorisantes au niveau social lorsqu’on est un homme. »

Sarah – Kinkajou

« Pour ma part, aucun obstacle parce que mes parents ont toujours encouragé mes choix (que ce soit pour ma grande sœur que pour moi). J’ai étudié la gestion d’entreprise en Master ce qui fait qu’être entrepreneuse était une suite logique. J’ai mené des projets d’exportation durant mes études donc ils me faisaient confiance et me laisser facilement prendre des initiatives, voyager etc. De plus, ma mère étant un fort caractère, à la base, j’ai hérité de cette force qui fait que j’arrive à m’imposer plus facilement. Donc aucun obstacle à ce niveau-là ! »

Nahla – Enprobel

« Au niveau de ma famille, qui est pourtant très ‘sécurité avant tout’ j’ai été agréablement surprise du soutien que j’ai pu recevoir de leur part ! Certains membres, eux-mêmes indépendants, ont même montré une certaine fierté qu’une plus jeune se lance dans l’entrepreneuriat. Et lorsque j’ai eu des moments de doutes ou des envies de tout arrêter, ils m’ont tous énormément soutenue et encouragée à ne pas abandonner ! »

Cécile – Déjà Vu

Est-ce que être une femme a été un obstacle ou un atout lors de la demande de financement ou d’accompagnement à la création ? (Crédibilité, confiance, tu as eu l’impression de devoir faire plus que quelqu’un d’autre,…)

« Bon j’avoue quand même que c’est compliqué car en plus d’être une femme, je suis noire, divorcée avec deux enfants et sans fortune personnelle. J’avoue que ce n’est pas très glamour pour essayer de convaincre des institutions financières… »

Maïté – Kytoko-Kytoko

« Pour le financement, c’est un atout lorsque la personne qui prendra la décision finale est une femme. Elle donne plus de chance à une femme là où les hommes ont braqués. Elle sait qu’avec de petits moyens, une femme peut arriver à faire des grandes choses. »

« Pour l’accompagnement : là c’était difficile. Mon mentor m’a dit que je continuais à croire au Père Noël. Que je n’aurais jamais de financement et que je ferai mieux d’accepter un proposition qui ne me plaisait pas du tout. »

Rebecca – Art2Travel

« La question des enfants et de la maternité est (évidemment) apparue, comme à n’importe quel entretien d’embauche et je me pose « sincèrement » la question de savoir si ça aurait été le cas si j’avais été un homme. Quand je mets des guillemets à « sincèrement » c’est parce que c’est faux, je suis certaine que la question ne se serait pas posée. Et la discussion qui en découle est extrêmement intrusive. Nous sommes présentes en tant que femme entrepreneuse pour discuter plan financier et on en vient à devoir lister les personnes de notre entourage intime qui peuvent nous aider dans les tâches domestiques quotidiennes, c’est dévalorisant. »

« Petit point sur la maternité et les aides pour les indépendantes : pourquoi les systèmes mis en place pour les congés de maternités pour indépendants sont à ce point décoratif ? Un peu de volonté politique pourrait tout-à-fait permettre de proposer aux PME et TPME des systèmes d’aide plus conséquents : aide financière pour un remplaçant par exemple »

Sarah – Kinkajou

« Je dirai que ce fut un atout. Dans mon cas c’est un peu différent puisqu’avec Imad nous formons un tout. On a pour habitude de dire que je représente les membres inférieurs d’Enprobel (« ses jambes » = pilier sur lequel la société se repose et qui désigne un peu la direction vers laquelle se diriger) et qu’Imad représente les membres supérieurs (« ses bras »= la personne qui accompli les objectifs de collectes et génère le chiffre d’affaires, sans laquelle la société ne survivrait pas). Puisqu’Imad est sur le terrain et que moi je suis en back office et que l’un ne va pas sans l’autre, je représentais un atout. Je gère tous les dossiers de financement et je suis un peu plus consciencieuse qu’Imad donc je suis un peu la figure « rassurante » au niveau administration. Point essentiel qui compte énormément lorsqu’on demande des financements car il faut pouvoir convaincre et rassurer. »

Nahla – Enprobel

« Honnêtement, je n’ai l’impression que ça n’a été ni un atout, ni un obstacle dans quelque forme d’accompagnement que ce soit. Je suis passée par énormément de plateformes d’aide (job yourself, hub, gel,…) et je n’ai jamais observé de différences de traitement dû au fait que je sois une femme. »

Cécile – Déjà Vu

De manière générale, as-tu rencontré des difficultés en tant que femme ?

« Oui, bien sûr. En tant que femme et par-dessus tout d’origine étrangère malgré mes 40 ans en Belgique. J’ai une double appartenance Belge et africaine et je crois que ça fait beaucoup peur parce qu’on ne sait vraiment pas comment te gérer. »

« Pour trouver un local, il m’a fallu 11 mois en faisant des visites au moins 3 fois par semaine. Les agences ne soumettent même pas les dossiers aux propriétaires. Mais comme j’exigeais chaque fois que l’on motive le refus ça devenait difficile “le propriétaire n’a pas encore fait son choix” »

Rebecca – Art2Travel

« Des difficultés, pas vraiment. Juste des situations qui se répètent. Si un ami vient me voir au magasin, que l’on discute, si un nouveau client rentre dans la boutique, il se dirige quasi systématiquement vers l’homme, supposant que c’est lui le patron. Rien de dramatique donc. »

« De manière générale, je pense qu’être une femme, jeune et racisée patronne de son propre magasin de jouets est quelque chose qui surprend encore – trop. »

Sarah – Kinkajou

« Dans le monde de la collecte des déchets, les deux éléments les plus importants sont de pouvoir aller chercher le déchet lorsque le client vous appelle et de pouvoir rapporter à la Région ce qui a été collecté. Du coup, je pense que quel que soit le sexe de la personne, cela ne compte pas pour autant que le travail est fait. »

Nahla – Enprobel

« La seule chose que je me dis est que, comme j’ai choisi un secteur d’activité assez typiquement féminin, c’est peut-être une raison pour laquelle je n’ai pas eu l’impression d’être remise en question sur mes choix ou mes capacités à mener à bien le projet. Et aussi, je pense avoir fait preuve, dès le départ, d’une grande motivation/détermination, qui laissait probablement peu de place au doute pour mes interlocuteurs. »

Cécile – Déjà Vu

Un petit mot de fin ?

« En gros être une femme au quotidien ce n’est pas simple et de plus je suis une maman solo donc encore moins simple mais je garde courage. Je me dis qu’un jour les mentalités changeront et qu’être une femme, noire, entrepreneure sera un plus ! »

Maïté – Kytoko-Kytoko

« Le chemin est encore long mais j’espère que nos enfants ou arrière-petits-enfants seront moins discriminés. »

Rebecca – Art2Travel

« Après plein de réflexion, on trouvait que ça faisait plus sens de fermer et que je ne fasse pas que grève en tant qu’entrepreneuse mais également en tant que maman »

Sarah – Kinkajou

« Je suis quelqu’un qui se sent fort concernée par l’égalité des genres et je suis horrifiée qu’en 2020, tant de femmes fassent encore face à de nombreuses injustices. Et pourtant, je dois être honnête et admettre que je ne me suis jamais encore sentie rabaissée parce que je suis une femme entrepreneuse. Cela veut peut-être dire que les mentalités évoluent »

Cécile – Déjà Vu